Chroniques de Blob
Blob - Septembre 1999
Mon voisin de palier a frappé à ma porte hier soir, prétextant que je faisait du bruit pour me regarder méchamment dans les yeux. Je lui rétorquai d'une douce feigant l'embarrassement et le désolé:
Mais, je ne fais pas de bruit!? J'écoute de la musique! Ceci sans insolence aucune. Non, non, vraiment.
Là, il me dit que ça fait trois semaines qu'il ne dort plus et que son cousin qui a trois enfants, vous comprenez, non plus (j'vois pas le rapport), et qu'il n'avait rien dit jusqu'ici parce qu'il me soupçonnait une liaison quelconque (familiale, amoureuse, dangereuse...) avec l'ancienne occupante de l'appartement.
Absolument pas du tout! Enfin... euh mmnhn, non!, lui dis-je finalement. Puis, j'enchaîne direct avec un crochet du gauche de ma machoire et lui décroche un de ces sourires désarmants en plein dans les dents.
C'est le moment où son chat en profite subrepticement pour faire une introspection dans mon hall d'entrée au nez et à la barbe de son maître qui continue de respirer très fort sur mon palier. Je lui explique calmement que j'ignorais le déranger, qu'il ne fallait se priver de sommeil comme ça, fallait venir me voir plus tôt, comme quoi y'a toujours moyen de s'arranger, blah, blah, blah... et c'est promis cela se reproduira! Mais je ne suis pas certain qu'il ait bien entendu, ou son cerveau n'a pas digéré cette dernière information.
Bref, à force de me raconter sa vie, d'appeler son chat toutes les trois syllabes, il s'est détendu, s'est excusé, qu'il croyait que j'étais une relation quelconque à l'ancienne occupante... (Ça y est! Il recommence, ça n'a plus aucun sens). Il a l'air gentil quand il est calme, mais il dit toujours n'importe quoi.
Le voilà à présent confus de son intrusion en caleçon dans ma cuisine où le chat, la chatte, me dit-il, enceinte de surcroît; s'était aventuré en quête de territoires. Je l'aurais bien prise moi-même dans les bras la chatte (je m'y connait drôlement bien en chats, j'en ai eu de toutes les couleurs), mais vu qu'elle attend des petits, Excusez-moi, hein! Je préfère la prendre.
Ceci annulant cela. Son intrusion physique, mon intrusion sonore. Le dialogue s'humanisant et mettant les bouchées doubles de compréhension soucieuse de la qualité de son sommeil (sincèrement. Si, si, j'insiste), il me sourit à son tour. Il m'explique alors, se tenant timidement dans l'entrée tout en me montrant du doigt mon salon, que c'est là qu'il dort. Je lui dis qu'il doit y avoir erreur, je m'en serais aperçu. Non, non. Vous ne comprenez pas! Ma chambre est de l'autre côté, j'ai ma tête sur mon oreiller juste là (il pointe presque mon enceinte). Ah! Je comprends, je comprends, lui réponds-je en le raccompagnant devant chez lui du ton le plus compréhensif qui soit. On se souhaite bonne nuit à voix basse, histoire de ne pas réveiller les autres voisins, alors qu'il se hâte de retrouver son lit comme si celui-ci avait réintégré enfin la cellule familiale après une amourette fugueuse et passagère.
Deux jours plus tard, même heure, presque même volume sonore, je vous narre en toute quiètude la rencontre nocturne et anonyme de mon voisin de palier. Nous n'avons pas échangé de prénoms (si ça se trouve, le sien, il ne m'aurait pas plu), nous sommes donc étrangers l'un à l'autre et pourtant c'est la personne la plus proche de moi, il est à 2 pas; mais voilà tout, il y a comme un mur entre nous.
Blob.