Sonic Youth : "A thousand leaves"
Label : Geffen
Distributeur : Universal
Date d'enregistrement : 1998
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Souvenez-vous, c'était à la fin de "Diamond Sea" sur "Washing machine", Alice était éjectée hors du miroir et partait pour un voyage dans un univers sonique absolu. "A thousand leaves" s'ouvre sur son retour. Alice n'est plus tout à fait aussi candide et elle s'apprête à un nouveau voyage, au pays de l'instrumental roi et de l'analogique reine. Car il faut bien l'admettre, ce nouvel opus des aventures Sonic Youthiennes est un album instrumental avant tout. On aurait du s'en douter à regarder de près ce qui s'est passé dans la discographie de nos faux jeunes. Depuis "Washing Machine", les Sonic Youth se sont achetés un tout joli studio bien à eux. Le résultat ne s'est pas fait attendre, plusieurs E.P.'s ont été enregistrés et auto-distribués. Laboratoires sonores, ils confirmaient ce que nous pensions de SY, que ces derniers cherchaient à exploser les barrières qui les avaient trop longtemps cantonnés dans le rôle des papys du noisy-rock indé. Les instrumentaux remplacent la parole, les codes sont explosés - fini le format couplet-refrain-couplet, exit les limitations de durée - aucune norme dans le rock ne pouvant plus les retenir. Dans ces essais on touche à l'essence de la musique à savoir qu'une note, une texture, une fréquence doit pouvoir parler plus à l'intellect et au corps que le plus beau des poèmes chantés. L'anti-mélodie, la dissonance, le triturage à l'extrême des sons deviennent ainsi les outils pour mettre en chantier cette espèce de non-rock. En fait, c'est presque de la non-musique si on s'en réfère aux critères en usage. Finalement si demain ils décidaient de proclamer qu'avec leurs instruments ils font de la peinture, on les croirait sans hésiter tant la création semble identique. Travail des textures, des nuances, des ombres, superpositions de couches, débordements, abstraction, et même effet sur l'inconscient. SY dans leurs E.P.'s ont réussi là où tous les Lou Reed et leur "Metal Music Machine" nous ont gonflé. Seul problème : à qui vendre ça? Est-ce que l'on peut sans s'étouffer de rire penser rendre commerciale une telle démarche? Est-ce que je peux offrir ça comme étrennes à mon facteur? Est-ce qu'un album comme "A Thousand Leaves" est une réponse? À écouter "Contre le Sexisme" on se dit que le pari est gagné, que l'abstraction l'emporte vraiment sur la construction mélodique et que ce morceau qui ouvre l'album est une clé pour comprendre ce qui va suivre. On se trompe. Finalement on est toujours en terrain vraiment connu. Par contre les durées de morceaux s'allongent gravement (on en trouve quand même un de plus de 10 minutes "Hits of Sunshine (for Allen Ginsberg)", en fait assez conventionnel et décevant) et Alice doit bien se marrer à surfer sur les dérapages instrumentaux des 9 minutes de "Wild Flower Soul", un bien beau morceau avec un début très pop anglaise et qui vire au triturage de sons made in SY. Comme on les aime je vous dis. La maîtrise du long-format acquise grâce aux E.P.'s se fait donc vraiment sentir. L'album est d'une homogénéité parfaite de bruit mélodique et inversement.C'est la plénitude du chaos. Kim Gordon continue pourtant à râler, éructer, grogner et vociférer mais c'est ici une invitation au calme, une forme d'hypnotisme accueillant. 'Can't catch me, I'm syntax free' gueule-t-elle sur "The Ineffable Me" (variation sur un morceau du E.P. SYR2 "Slaapkamers met Slagroom") ce qui résume assez bien la situation de l'album.
Note :  (The Incredible Melting Man) |
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