Medeski, Martin & Wood : "Tonic"
Label : Blue Note
Distributeur : EMI
3ates d'enregistrement : 2000

Manhattan, Lower east side, les premiers beaux jours sont là après un de ces hivers brutaux aux vents glacés qui vous secouent les os. On a passé la journée à chercher, à la lumière du soleil, un endroit d'où voir la mer, rien. On a poussé jusqu'à Long Island pour trouver l'océan, voir l'horizon... en vain. De retour en ville, le crépuscule semble nous avoir suivi du Ferry jusqu'ici, la nuit est chaude, veloutée, accueillante, et ça grouille à tous les blocs. On arrive là où joue M.M.W. accoustique depuis 2 semaines à guichets fermés: Le Tonic, une ancienne cave à vins casher, aux rideaux rouges et aux murs de briques pleines d'histoires du vieux New-York; l'endroit lui-même semble écouter. Le 1er set est déjà commencé et la musique, qui s'échappe du devant de la scène cachée pour la foule, force le respect et le silence. On avance doucement de peur de faire du bruit, mais aussi parce que la boîte est pleine à craquer, cependant ni bruits de verre, ni chuchotements ne viennent troubler l'attention de cette audience dévouée, composée d'amis, de proches du groupe et d'aficionados. On se rapproche encore dans l'espoir d'apercevoir John Medeski jouer, mais rien; encore un peu plus près et on entrevoit enfin Billy Martin à droite et Chris Wood à gauche, mais Medeski, Keutchi! Niet! Zéro! Laissant tomber nos considérations visuelles et matérielles, nous ne faisons plus qu'écouter.On la goûte cette musique, on la savoure, si riche qu'il faut prendre son temps pour tout entendre. C'est l'entracte, les gens se dispersent peu à peu et on comprend pourquoi notre pianiste préféré n'était pas à portée de vue: comme le piano à queue ne tient pas sur la scène (c'est vous dire si c'est intime), il est installé au devant de celle-ci, au niveau du public: place providentielle pour Medeski qui en profite pour faire de ce concert un moment unique, une cérémonie magique se rapprochant encore un peu plus, partageant à eux 3 et à nous tous mysticalités africaines, délires urbains atonals, grooves lancinants et jazz modal lunaire new-yorkais qui a tous les accents d'un Bud Powell endiablé. Le 2ème set se termine sur un morceau d'une délicatesse sans pareil, ils sont au sommet de leur écoute mutuelle, leurs conversations musicales deviennent télépathiques, qu'est ce qu'il faut avoir joué, travaillé, et vécu pour exprimer une telle grâce. Le thème semble familier, certains chuchotent de joie, l'évidence se propage rapidement dans la salle, c'est: "Hey, Joe". Et pour un instant, l'esprit d'Hendrix semble flotter légèrement, immensément au dessus- de nous, un sourire ou une larme, on ne distingue pas bien, lui échappe. C'est fini et presque personne ne bouge, figés encore quelque temps dans ce piano qui résonne. On quitte le Tonic, subjugués, pour reprendre notre souffle sur le trottoir avec l'envie d'applaudir cette musique improvisée, éphémère, à l'éternelle beauté, et cette ville ou, vu de si pres, l'horizon se trouve si loin des plages. note bleu : (Ob)