"Akira" - L'expérience cinématographique de la décennie

Malgré leurs cultures différentes, L'Europe et le Japon ont une évolution similaire en ce qui concerne leur environnement urbain et donc leurs standards de vie. Naturellement, cela est dû à l'évolution de leur économie et à la place qu'occupe la technologie dans nos vies : de plus en plus d'ordinateurs, de faxs, de répondeurs, de téléphones portables, de robots, etc.

En même temps, un film d'animation japonais (pour adultes), "Akira", décrit le monde qui pourrait émerger de la combinaison de ces éléments ensemble, quelque chose comme une jungle high-tech.

Cette approche originale de la compréhension de notre présent, que ce soit au Japon ou en Europe, a attiré mon attention. Elle décrit un futur éventuel proche, mais évite strictement toute pure fantaisie. Et plus que ça, certains des éléments prophétiques du film eurent lieu récemment au Japon ou en Europe.

Après un visionnage de ce film, une chose est sûre, les films d'animation ne seront plus jamais les mêmes : les images sont si riches et réalistes que l'on comprend immédiatement que chaque vision valable peut avoir sa propre traduction en film.

Mais, d'une autre façon, "Akira" est tellement riche par lui-même que vous pouvez aussi réaliser que chaque nouvelle tentative de ce genre va engendrer des remakes : "Akira" est déjà une référence, même au niveau du script.

Cyberpunk

Le développement ultra-rapide du Japon et de l'europe durant ces dernières 40 années, et tout spécialement l'émergence de la technologie dans nos activités de tous les jours, nous a mené à une nouvelle culuture que l'on appelle Cyberpunk. Ce mouvement est composé de pirateurs informatiques mais aussi d'écrivains tels que William Gibson (GB), de musiciens comme Kitaro (Japon)... Leur devise est : "apprendre à vivre avec une technologie qui nous dépasse". Ils ne veulent pas détruire la société, ils veulent juste utiliser la technologie à leur avantage. Ils ne sont pas en quête de science-fiction, mais du réel futur monde.

Leur approche est simple à comprendre : les grands machins technologiques du passé pleins de fumée, de murs de béton ou d'éléments nucléaires ne sont plus pour eux. Ils ne font qu'un avec la technolgie émergente : l'ordinateur personnel, le walkman, le téléphone portable, la lentille de contact sont toujours avec et sur nous. Ils décrivent les effets de cette invasion du corps, ces mutations génétiques, membres artificiels, implants neurologiques qui mènent à l'intelligence artificielle, interface entre l'homme, l'ordinateur et la neurochimie. "Tout cela redéfinit la nature de l'être humain, la nature du soi", dit l'auteur Gibson.

Leur peur n'est pas tant celle d'un monde dominé par un Big Brother quelconque, comme dans 1984, mais bien la peur de perdre la touche d'humanité qui fait d'eux ce qu'ils sont. En définitive, le monde Cyberpunk est optimiste : ils croient que ces nouvelles technologies vont apporter un nouveau bien-être basé sur une culture liant les ordinateurs, les vidéos et le papier, par l'intermédiaire d'un échange global d'information à l'intérieur de ce qu'ils appellent le Cyberespace.

Une question principale est : pour qui est ce film? Akira est vraiment violent - on y voit, par exemple, une tentative de viol -, et plus que ça, il n'existe pas vraiment là-dedans de personnages que l'on pourrait appeler 'héros' : chaque personnage a son côté obscur. Le problème est que les films d'animation ont toujours été destinés aux enfants et que les enfants étaient ceux qui regardaient les dessins animés. Mais Akira, par son esprit, est dédié aux adultes, pas aux enfants. Les enfants s'identifient réellement au 'héros' quand ils ils ne peuvent pas comprendre les signes derrière les images. L'histoire est ici tellement réelle, avec aucun héros positif, qu'ils pourraient user de la violence avec les meilleures intentions du monde sans le savoir.

Mais l'approche Cyberpunk est aussi une façon de penser à notre monde, de telle manière que vous ne puisssiez pas l'interdire trop longtemps. Évidemment, la différence entre le monde de l'enfant, fait de paix, et la violence apparente partout pourrait les frapper, mais ils ne pourront l'éviter longtemps, en fait.

Akira

Arrivé à la moitié de son œuvre, le monumental (1.800 pages) manga Akira (donc en BD), le créateur de comics japonais Katsuhiro Otomo decide qu'il a besoin de s'arrêter. Au lieu de se reposer pendant deux semaines, en fait, il réduit l'histoire d'origine à l'essentiel, s'associe avec les meilleurs artistes d'animation du japon, et - utilisant les techniques d'animation de pointe et plus encore - recrée sa vision futuriste en un film de deux heures qui ne ressemble à rien de ce qui a pu jamais apparaître sur le grand écran.

Situé dans la ville post-nucléaire de Neo-Tokyo, où une guerre des gangs fait rage entre bikers sous amphétamines, où des terroristes fanatiques essaient d'infiltrer un projet secret du gouvernement qui concerne des enfants mutants possédant de vastes pouvoirs psychiques, où de curieux cultes religieux attendent la deuxième venue du mystérieux 'Akira'... Bref, voilà votre thriller Cyperpunk classique. Mais là où le cinéma 'réel' s'est le plus approché de ce territoire fut Blade Runner : là, l'imagination était soumise aux restrictions de la réalité physique, ici, elle s'évade librement.

Akira défile à toute vitesse (avec d'incroyables détails), les monstres (et les combats de rue) sont vraiment et horriblement déplaisants, et le final est plus psychédélique que tout ce que nous avons déjà vu (à part l'éventuelle exception du Floyd) depuis déjà vingt ans. Comme je l'ai déjà dit, c'est l'expérience cinématographique de la décennie.

À l'origine, Akira est un comic-book; mais, avec le film, Akira devient une saga brute et l'histoire elle-même est amplifiée à l'aide d'aspects graphiques : tout ce qui est dépeint est lié à des sujets actuels de notre société. En fait, il accentue légèrement les défauts et le danger de notre évolution journalière. Par exemple, la ville dans Akira est plus grande que celles dans lesquelles nous vivons; mais nous vivons déjà dans des énormes mégapoles. C'est une manière de comprendre le présent avec un regard différent et c'est pourquoi le film a tant d'impact. Bien sûr, un beau futur peut exister, puisqu'il n'y a pas d'unique moyen de le concevoir. Mais la vision d'Akira reste lumineuse parce que le spectateur ressent quelquechose d'électrisant en son fort intérieur.

Akira est le prototype même d'effets spéciaux mûrs. Ils sont dans le film sans être le film, mais développent le script même. Dans ce sens, Akira est plus qu'un film.

Peut-être qu'Akira n'a pas attiré autant de spectateurs que ça en Europe, mais ce film reçu un énorme succès critique. De plus, il est maintenant devenu un film culte (même Canal+, la meilleure chaîne de télévision française de tous les temps à l'époque, le programma), si bien que ce classique devint le premier d'une invasion culturelle annoncée de films d'animation japonais sur nos écrans.

Beaucoup de ces films montrent, comme Akira, une vision pessimiste et prévue du future de notre monde, de nos vies :
- la violence dans les mégapoles urbaines, qui existe déjà aujourd'hui, telles que les récentes émeutes de Los Angeles,
- l'invasion de la technologie, qui était mieux décrite dans un autre classique culte, Blade Runner, réalisé par Ridley Scott : les androïdes et la pollution envahissante que cette technologie implique,
- le sens de la vie : nous vivrons dans un monde artificiel et hostile, mieux décrit dans un (autre!) film-culte, Alien, comme 'Sale et Damné'.

Certains d'autres peuvent essayer d'être plus optimistes, mais l'intérêt de l'emploi de techniques d'animation reste dans la description d'action non-stop. Dans cette voie, même si des films comme Superman ou Batman étaient adaptés au cinéma d'animation, même si ils essayaient d'être plus moralistes, optimistes avec un happy-end, ils contiendraient aussi cette réalité qui est requise pour attirer les spectateurs. Et cette réalité animée n'est seulement intéressante que si elle donne à ceux qui vont au cinéma d'énormes sensations, des histoires 'bigger-than-life'. Cela doit alors donner une profusion d'images qui va nécessairement ressembler à Akira.

Des films comme Akira mettent en valeur un autre élément clé, bien décrit dans les histoires Cyberpunk, c.a.d. notre monde et nos modes de vies deviennent de plus en plus uniformes, les européens et les japonais vivront dans des environnements similaires, chaque ville ressemblera à n'importe quelle autre, chaque activité va exister n'importe où et ainsi de suite. Ceci est majeur, car cela montre que les européens comme les japonais cherchent à atteindre les mêmes buts, les mêmes vies; c'est nouveau, puisque nous analysons la relation entre l'Europe et le Japon seulement à travers nos différences culturelles - pour ne pas dire antagonismes-.

Mais vous pouvez déjà noter la fusion des deux mondes : malgré les règles et les traditions, les japonais et les européens conduisent dans les mêmes voitures, écoutent la même musique (..presque), obtiennent la même information, etc. C'est pourquoi les héros dans ces films d'animation n'ont pas tout d'apparence physique particullière, ils peuvent être identifiés
le type particulier de regard physique, ils peuvent être identifiés aussi bien comme des occidentaux ou des gens de l'orient lointain. Mais l'évocation de cette réalité-à-venir est si forte que tout a l'air immédiatement réel.

(Djouls)