|
|
Le site
|
. |
The Incredible Melting Reviews of The Incredible Melting Man
On peut dire qu'on aura attendu patiemment l'après "Crash". Fouchtra, comment notre bon David allait-il pouvoir surpasser un film qui condensait à la perfection ses obsessions? Qu'avait-il de plus a dire? Était-ce envisageable que notre Canadien préféré aille au-delà de l'imagerie glacée de son adaptation du bouquin de Ballard (qui soit dit en passant est encore pire que ce que Cronenbreg a pu montrer). La réponse est : NON. Mille fois non et avec le sourire, et tant mieux à moins de vouloir se retrouver à un croisement entre un film de Brian Yuzna et d'Eric Rohmer. eXistenZ fait partie de ces films dits légers comme "Dead Zone", "La Mouche", "Fast Company", "Rodriguez au pays des Merguez", ah non peut être pas eXistenZ est le premier scénario original de Cronenberg depuis "Videodrome", et très vite, de ci de là, on a pu entendre : 'Cronenberg prépare Videodrome 2'! 'Youpla!' se disaient certains, 'Mais à quoi ça sert?' demandaient d'autres. TOUT FAUX! "Videodrome" ressemble autant à "eXistenZ" que "Crash" à "Taxi", on y parle d'images, certes, d'altération de la réalité, oui oui, mais les Teletubbies aussi! Ici le sujet serait plus le jeu. Le jeu de la vie. La vie du jeu. Le Je. La vie du Je, le moi. Prétextant un quelconque intérêt pour les jeux vidéos, Cronenberg livre un film sans la moindre technologie apparente, sans un écran vidéo, sans même employer une seule fois le terme de VIDEO. Allegra (Jennifer Jason Leigh) est la conceptrice d'un nouveau genre de jeu. Connecté directement a la moelle épinière, un bioport transmet les informations d'un pod qui jette le joueur en plein cur de la réalité du jeu. Lors de la présentation de son jeu, Allegra échappe à une tentative d'assassinat. Elle fuit avec un stagiaire en marketing, bien déterminée à le faire aussi plonger dans le jeu. Voilà pour l'argument de base. À partir de là, Cronenberg nous ballade dans différents niveaux de réalité comme il aime si bien le faire ("Videodrome" pour le coup, "Le Festin Nu", "Faux-Semblants") mais dans eXistenZ, le ludique l'emporte sur la réflexion. En fait, ce film est probablement le plus ouvertement drôle que Cronenberg ai mis au monde jusqu'à présent (la scène de la boucle humaine). Une sorte de récréation. On pourrait disserter sur les symboles ça et là qui obligent nos neurones à entrer en action (comme cette image de la main d'Allegra se posant sur un dossier de chaise pour en tâter la matérialité) et sur les obsessions Cronenbergiennes habituelles, bien évidemment présentes mais ramenées ici à une question fondamentale : Qu'est-ce qu'exister? Est-ce que la réalité est la même pour un riche socialiste de Neuilly que pour un pauvre socialiste de cité? Est-ce que cette station service est une vraie station service? Oui oui, dans la forêt et tout Jusqu'à ce qu'une sorte de lézard à deux têtes apparaisse. Pauvre Jude Law, stagiaire marketing une minute, videur de batraciens mutants la seconde, hetero le matin, plus très sur le soir. Comme à l'habitude, le sexe reste la meilleure représentation dans les films de Cronenberg de ce que la réalité n'est pas, immuable. Comme Jeremy Irons dans "M Butterfly" convaincu de la réalité d'une femme qui est en fait un homme, comme Elias Koteas dans "Crash" pour qui la sexualité passe par la tôle froissée des voitures, ou la recherche du héros de "Crimes of the Future" androgyne au rouge à lèvres génétiquement modifié, Cronenberg nous interpelle sans cesse sur ce que nous connaissons le mieux et probablement le moins bien, le cul. Car à part pour des Boutin ou des De Villiers, il est évident qu'il n'y a pas une réalité sexuelle, que chacun se l'invente et que certains expérimentent au risque de se perdre. De plus la sexualité reste l'une des choses les plus humainement ludique. Car pour jouer à eXistenZ, les héros doivent se faire greffer un Bioport à la base de la moelle épinière, une sorte d'anus dans lequel vient se ficher un Ombijack, ou une langue, ou un doigt, sexuel? Naaan! La vie est un jeu dans lequel nous nous sommes créé nos propres rôles sociaux et pour Cronenberg, l'altération de cette réalité passe par l'expérimentation. Comme James Spader qui va jusqu'au bout de sa recherche sexuelle dans "Crash" et qui finit sodomisé par Elias Koteas sur le siège arrière d'une voiture, comme Peter Weller qui altère sa réalité par des drogues dans "Le Festin Nu". Jusqu'à présent, Cronenberg démontrait les capacités qu'a le corps humain à changer, muter (est-ce que la mutation physique de Jeff Goldblum dans "La Mouche" est une perte d'humanité ou juste un virement?), ici il nous propose la même réflexion mais sur un plan purement cérébral. Et ludique. Car jamais eXistenZ ne prend la tête justement. On peut le voir au premier degré absolu sans chercher la moindre réflexion. En cela, c'est un film mineur de Cronenberg (mineur ne voulant pas dire ni raté ni moins bien), un bol d'air frais après la froideur et l'intensité de "Crash", le jeu dans ce qu'il a de plus insouciant, le bonheur quoi. Seul bémol peut-être, la fin, prévisible, mais surtout cette phrase finale ('sommes-nous encore dans le jeu?'), clin d'il humoristique et superflu au spectateur alors que sans cette phrase le film devenait comme "Le Festin Nu" et "Videodrome", regardable en commençant par la fin (si si ça marche!). Pascal 'The Incredible Melting Man' Goubereau
|