The Grateful Dead : "Grayfolded"
Label : Snapper Music
Distributeur : Wagram Music
Date de réédition : 1999

Achetez ce double-CD chez Boxman, il y est vendu à 89F ! (Fnac: 148F, Alapage: 139F) Pour cela, cliquez ici :

"The Grateful Dead are not the best at what they do, they are the only ones who do what they do" (Bill Graham*). On peut dire la même chose de John Oswald car le travail effectué sur cet album est sans précédent: après avoir passé trois semaines enfermé dans le coffre où sont détenues toutes les bandes du Dead (un conte de fées pour tapers**), sélectionné près de 40 heures et 70 versions de "Dark star", il nous délivre ici un collage incroyable à faire pâlir tous les ingénieurs du son***, Dj's et autres mix-masters. Ce traitement, qu'il a savamment fait subir dès le début des années 70 à Led Zeppelin, puis par la suite aux Doors, Bing Crosby, Glen Gould jouant Bach, Michael Jackson ("Bad" devenu "Dab"), s'auto-qualifie de "Plunderphonics" (plunder en anglais = piller en v.f.). "Plunderphonics" explique Oswald, "c'est l'art de rendre étranges des musiques familières". Et quand on sait qu'il s'agit de "Dark star", figure de proue emblèmatique de l'excursion expérimentale (space) et morceau de choix dans le répertoire du Dead, on ne peut que se demander: "Rendre le déjà super-barré total étrange, étrange?! Tout ça, en respectant la fluidité de l'improvisation de cette musique si organique qui fleurissait de ce groupe?" Non seulement le résultat est sidérant, mais il rend au "Grateful Dead" un hommage démesuré (du sur-mesure, donc!) où s'entremèlent mille et unes jams insensées et merveilleuses, où se fondent les spaces aux atmosphères planétaires les plus vastes et coulent d'innombrables cascades de notes magiques et cristallines, envoûtantes, enroulées, tissées telle une gigantesque toile d'araignée suspendue dans l'espace. John Oswald se sert d'un grand nombre de techniques de manipulation du son dont le pliage, d'où ce titre-jeu de mot. Il prend un tranche musicale de 8 secondes, par exemple, et la plie en 2 = 4 secondes, puis en 4 = 2 secondes... comme une feuille de papier. Le deuxième disque "Mirror ashes" contient l'intégralité du premier "Transitive axis" dans un pli de 2 secondes, soit plié 16384 fois, ce qui donne une texture sonore d'une densité rarement égalée. Pour les acharnés, une carte graphique contenue dans le livret illustre bien toutes ces opérations qui sont loin d'être étrangères au Dead: dans leur second album (leur premier chef d'œuvre) "Anthem of the sun", ils expérimentaient déjà le montage de bandes. Plusieurs versions "live" de "The other one" y sont entrelacées dans ce disque, je vous le rappelle, studio. Mais il n'a pas la même ampleur temporelle que "Grayfolded", 25 années du Grateful Dead y sont mixées; et c'est là que l'hommage prend toute sa démesure: la basse de Phil Lesh, tel un ver de sable en chaleur, s'enroule autour de la guitare d'un Jerry Garcia de tous les âges, se confondant lui-même au gré des couplets, des refrains, à la poésie opaque, abstraite mais prodigieusement suggestive, au longs vers qui se nouent et se dénouent puis se perdent au milieu des attaques percussives de Bill "G4" Kreutzmanns, rebondissant sur les rythmes angulaires de Bob Weir et sur toute une tripotée de claviers usés les uns après les autres (3 sont morts!) par la vie = musique du groupe. Bien d'autres impossibilités vous attendent, Oswald ayant mis l'accent sur les enchaînements (subtils), la transformation d'un morceau en un autre, le lien, la continuité, on peut apercevoir au passage toutes les directions ou provenances de "Dark star" et en reconnaître plusieurs origines ("Live dead", "Dicks picks IV, VII", "St Stephen", "Eyes of the wrld", "The other one", etc.). Mais revenons à nos étoiles, peut-être avez-vous vous-mêmes passé une de ces nuits d'été sans lune à contempler le ciel, à fixer les astres, l'un après l'autre, du plus brillant, du plus imposant, au plus sombre, plus lointain, insignifiant presque invisible, à établir ce contact entre elles et vous, entr el'infiniment grand et l'infiniment petit? Peut-être avez-vous également passé ces nuits à fixer entre les étoiles l'espace, à carresser sa robe de vos yeux, à être ce que l'on fixe, voyagant au cœur de constellations connues seules de votre esprit, de votre prescience, observant un point en se demandant si ce point vous observe? Si vous êtes cette créature (peu importe la planète), alors embarquez-vous à bord du "Grayfolded" en partance pour l'infini, attachez vos ceintures, décollage imminent! Cosmiquement vôtre, Blob. * Bill Graham: célèbre organisateur de concerts et propriétaire des Fillmore East et West. ** Tapers: ceux dont le temps et l'énergie sont consacrés à l'enregistrement des concerts du Dead (par extension, plein d'autres groupes: Phish, Medeski Martin & Wood, Gov't Mule...). *** Sauf Fab. **** Non, rien. Note : (Blob)